NGOs as Social Elevators: The NGO “class”
January 22, 2017ONG et mouvement social en Haïti – PowerPoint Presentation
ONG et mouvement social en Haïti
Classe-ONG : des ONG comme ascenseur social
Ilionor LOUIS
- Je voudrais commencer le séminaire d’aujourd’hui cette citation tirée du livre de James Petras et Henry Weltmeyer intitulé : la face cachée de la mondialisation. L’impérialisme au XXIème siècle. Selon Petras et Veltmeyer, « les ONG répandues à travers le monde sont devenues un ascenseur social en vogue chez les classes éduquées et ambitieuses. Les universitaires, les journalistes et les professions libérales renoncent à leurs engagements antérieurs, mal récompensés, dans des mouvements de Gauche, en faveur d’un poste plus lucratif de gestion d’une ONG, à laquelle ils apportent leurs compétences organisationnelles et rhétoriques ainsi qu’un certain vocabulaire à tendance populiste »
- Le concept de classe-ONG est utilisé par le professeur Mark Schuller pour traduire une réalité qui est celle des individus des classes moyennes qui, par le passé, ont été des militants des organisations socio-politiques ou même des groupes de Gauche. C’est aussi la situation des dirigeants de certaines organisations de la société civile qui défendent des droits humains ou qui militent pour l’équité de genre ou les droits des femmes.
- Ces individus se caractérisent, entre autres, par les privilèges qu’ils obtiennent à travers la fonction occupée dans leur ONG et par un changement de rhétorique notamment sur le plan idéologique, en ce qui concerne les militants des organisations de Gauche. Parmi eux, on compte aussi les expatriés qui obtiennent le maximum de privilèges par rapport aux nationaux.
- Mais comme nous parlons de mobilité de classe, il faut manier ce concept avec précaution, parce qu’à l’origine, ceux qui ont créé des ONG en Europe, surtout, étaient des individus formés avec une profession, faisant partie des classes moyennes. Selon Imogen Wall, «L’émergence des ONG nationales en Europe remonte au XIXe siècle, à la révolution industrielle et à l’apparition d’une nouvelle classe sociale éduquée, prospère et ayant du temps et de l’énergie à consacrer à des activités autres que sa propre survie. Cela a rendu possible le partage d’expertises professionnelles comme la médecine et l’émergence des soins en tant qu’activité officielle »Quels sont les privilèges obtenus par des individus travaillent dans des organisations non gouvernementales dans le tiers-monde, et particulièrement en Haïti?
- Avant d’essayer de répondre à cette question, mettons-nous d’accord, d’abord, sur le profil des personnes qui travaillent dans ces organisations. Nous pouvons les répartir en deux catégories : les expatriés et les nationaux. Les premiers sont recommandés ou viennent directement des ONG internationales ou plus spécifiquement du pays d’origine de l’ONG internationale qui collabore avec une ONG locale. Ils travaillent dans le pays pour ces ONG en collaboration avec les dirigeants locaux
- Rappel sur la typologie des ONG. Il faut bien rappeler que les ONG ne constituent pas un tout homogène. On y trouve des ONG humanitaires, des ONG de développement ou d’appui au développement dans les pays du tiers-monde, des ONG alternatives. Dans ces pays « les ONG alternatives sont généralement constitués des anciens dirigeants des mouvements populaires, de mouvements sociaux, de syndicats, des mouvements féministes ou des guérillas.
- Les ONG internationales proposent généralement des salaires élevés payables en Euro ou en dollars (mais généralement en dollar). Elles se présentent comme des organisations prestigieuses avec les donateurs internationaux. Des réseaux internationaux et des déplacements étrangers sont organisés. On fait constituer un bureau avec du personnel approprié. On dénonce la répression, la violation des droits humains, de telle sorte que les anciens militants soient à l’abri. Il est en train de se constituer ainsi une nouvelle frange à l’intérieur des classes moyennes.
- Dans les ONG nationales, on trouve plusieurs catégories de travailleurs : les directeurs ou coordonnateurs, les travailleurs de terrain, le personnel administratif, les ménagers/ères, les concierges communément appelés « gason lakou» qui ferment et ouvrent les barrières, nettoient, le cas échéant, les voitures des directrices ou directeurs, apportent parfois leur valise au bureau de ceux-ci. Il y a toute une hiérarchie fondée sur le prestige, le niveau et la qualité de vie
- Au sein même du Système ONG. Il se crée ainsi une différence de classe à l’intérieur du même groupe. D’une part, on trouve des privilégiés qui vivent dans l’aisance et le confort. Ils habitent des quartiers comparables à des ghettos de gens riches. Leur salaire est généralement supérieure quinze à vingt fois à celui des bonnes et des « gason Lakou» qui travaillent six jours par semaine. La différence de classe est caractérisée, entre autres, par la qualité du logement, les conditions de vie et santé, la réussite scolaire, les moyens de transport, les types de vêtement et les lieux où on les achète.
- Des privilèges obtenus: les expatriés roulent dans des 4X4 flambants neufs, disposent de chauffeurs et de femmes de ménage, de jardiniers faiblement rémunérés. Ils perçoivent des salaires mirobolants versés directement sur leur compte dans leur pays d’origine où ils paient des taxes. Les expatriés se greffent sur la structure sociale haïtienne caractérisée par de criantes inégalités sociales. Les moyens de transports de ces individus contrastent avec les infrastructures et la réalité du transport en Haïti?
- Du côté des dirigeants nationaux : C’est à peu près le même train de vie, à la différence que leur salaire leur est payé dans leur est payé en Haïti et qu’ils doivent obtenir un visa pour voyager à l’étranger
- Les routes sont impraticables en Haïti, les embouteillages, un enfer dans la capitale, et les transports en commun, une galère au quotidien, écrit Élodie Vialle qui rend les ONG responsables du maintien d’Haïti dans le sous-développement. Un médecin affirme qu’en Haïti «Les médecins haïtiens sont beaucoup moins bien payés que les étrangers, et travaillent plus, affirme un participant à un atelier de discussion sur les activités des ONG en Haïti
- Tous les employés des ONG ne subissent pas d’ascension sociale. Il ne fait pas de doute que les ONG favorisent réellement une certaine ascension sociale au sein de la classe moyenne à travers la transformation des conditions de vie et des privilèges que procurent les positions qu’ils occupent. Mais, on ne peut pas dire que tous ceux travaillent pour ou dans des ONG font l’objet d’une ascension sociale. Il est un fait que les ménagères, les « gason lakou », des intervenants de terrain, des moniteurs, bref de petits employés du système des ONG ne subissent pas réellement de mobilité sociale.
- Revenons, sur le concept de classe-ONG. Peut-on parler réellement d’une nouvelle classe sociale déterminée par les hautes positions occupées dans le système ONG? Si la classe sociale se définit comme de vastes groupements d’hommes et de femmes qui se caractérisent par la position qu’ils occupent dans le processus de production en relation avec une autre classe et selon leur niveau de conscience, il est difficile d’admettre qu’il y a une nouvelle classe sociale qui se dégage de ce système.
- Par contre, il faut reconnaitre que « le caractère même du travail des ONG a pour effet que leurs responsables appartiennent généralement aux classes moyennes, avec leurs traits idéologiques caractéristiques : préférence donnée à la micro-dimension, préoccupations écologiques, démocratie, valorisations personnelles ou alors, tout au contraire, radicalisation politique ». il vaut mieux dire que ces individus constituent plutôt une frange des classes moyennes, ayant subi une certaine ascension de classe.
Quelques citations
- “An jeneral, gen yon “ONG-izasyon” sosyete a : alepòk Ayisyen/ Ayisyèn te gen yon konpòtman tèt ansanm / konbit. Menm nan Pòtoprens, moun te konn wè gwoupman katye mete tèt yo ansanm pou rezoud ti pwoblèm popilasyon an ap sibi [20]. Gade kounye a : si moun pa touche pou pote yon mayo jòn nan kad « kach-fò-wòk », yo pa pe pwòpte katye yo rete a [21]. Menm nan sektè pwogresis yo, kèk kòmantè montre kijan mouvman. popilè a, ki te pouse depi 1986, vin biwokratize, yerachize, epi pèdi militans yo apre yo chwazi repwodui modèl ONG yo [22]. Fenomèn sa a pa izole an Ayiti : Lenin, Weber, ak Michels te poze pwoblematik sa a depi lontan [23]. ( Mark Schuller, 2013: 44)
- “ En Haïti, tout étranger se fait expert…Mais la seule différence, c’est qu’ils bénéficient de ressources technologiques que nous n’avons pas dans le pays. Pourquoi les ONG n’envoient-elles pas des professeurs former des promotions entières d’étudiants haïtiens au lieu de faire venir leurs “experts” et de nous allouer quelques bourses d’études? Le pays n’est soit disant pas assez sécurisé pour eux, mais certains humanitaires sont là depuis plus de 10 ans!”. Si les ONG sur place emploient des “locaux”, ces derniers interviennent rarement au niveau de la prise de décision stratégique, mais plutôt dans l’opérationnel.“Les experts internationaux pensent calquer chez nous un schéma qui marche à l’international… sans succès”… » ( Élodie Vialle, 2011)
- Dans cette affaire des organisations non gouvernementales, Haïti marche sur des oeufs. Les ONG sont puissantes et liées entre elles. Elles décident de qui est corrompu, qui respecte les droits de l’homme et font la pluie et le beau temps dans l’opinion publique des pays bailleurs de fonds, ces démocraties qui les ont, au fil des ans, substituées à l’Etat haïtien pour un nombre de plus en plus grand de missions que le gouvernement contrôlait dans le passé. (Frantz Duval Le Nouvelliste)