NGOs and Social Movements

ONG et mouvement social en Haïti – PowerPoint Presentation

ONG et mouvement social en Haïti

Ilionor LOUIS

  1. Citation : les ONG récupèrent le langage de la Gauche, et parlent de « pouvoir populaire », d’  « émancipation », d’ « égalité des sexes », de « développement durable », de « direction issue de la base » etc. le problème, c’est que ce langage est employé dans le cadre d’une collaboration avec des agences gouvernementales et des donateurs engagés dans des politiques de non confrontation. Les limites géographiques des ONG signifient que cette émancipation se borne à influer sur des aspects minimes de la vie sociale, à l’aide de ressource limitée, et toujours dans le contexte des conditions dictées par l’État néolibéral et la macro-économie » (Petras et Veltmeyer 2001 : 202)
  2. En Haïti, en effet, on trouve des ONG dans beaucoup de domaines de la vie des citoyens et des citoyennes :
  • l’égalité des sexes, qui regroupe des ONG locales telles que Solidarité femme haïtienne (SOFA), Fanm yo La, kay Fanm, Fanm Deside, pour citer les plus importantes
  • le développement alternatif, regroupant la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA),
  • les droits humains, constitués des organisations les plus importantes telles que : le RNDDH, LE POHDH, le JILAP
  • Les droits des paysans tels que Tèt kole ti Peyizan Ayisyen, le mouvement paysan Papaye (MPP)
  • La construction de logements pour des populations victimes de catastrophes naturelles (Compassion, food for the poor, habitat pour l’humanité, entre autres)
  • La défense des droits au logement décent (FRAKKA)
  • L’Éducation des enfants (Plan international, world Vision)
  • La défense des droits des Réfugiés et rapatriés (GARR)

Mon hypothèse est celle-ci : plus il y a d’ONG, moins les conditions de vie des populations, sur le plan macro, tendent à s’améliorer.

  1. Pour la séance d’aujourd’hui, je vais vous présenter, en partie, les résultats d’une étude qui a été réalisée en Haïti, dont j’ai eu le privilège de diriger. C’est une étude sur le rôle d’une ONG dénommée AJWS dans le renforcement du mouvement social en Haïti après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Au cours de la réalisation de cette enquête environ une vingtaine d’entrevues semi-structurées ont été faites avec des responsables d’ONG locale et un consultant d’AJWS. Trois ateliers de focus group ont été effectués. La question principale a été de savoir si le mouvement social est devenu plus faible ou s’il s’est renforcé après cette catastrophe
  1. Tout de suite après le séisme: Donc, après le tremblement de terre, il y eu une solidarité qui se développait dans le pays jusqu’au début de 2012, selon un des responsables des organisations paysannes. Beaucoup de gens laissant la capitale pour se réfugier dans les provinces tombaient sous la responsabilité des paysans qui leur ont donné à manger, en les hébergeant chez eux. Aussi des organisations paysannes ont-elles supporté les déplacés.
  2. En milieu urbain, certaines organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé la situation des gens qui vivaient sous les tentes. Cependant, cela n’a pas empêché à certaines catégories de personnes de s’enrichir aux dépens des victimes de cette catastrophe. Elles ont conçu des projets de toutes sortes au nom des victimes et cherchent des financements sans pour autant leur venir en aide
  3. Si pour certains répondants le mouvement social haïtien s’est renforcé, pour d’autres, les ONG n’ont fait qu’affaiblir davantage ce mouvement. « Certaines ONG plus progressistes apportaient de l’aide aux mouvements sociaux notamment aux organisations paysannes. L’aide qu’elles ont apportée visait à renforcer le mouvement social. Les organisations ont investi dans des projets durables, dans l’agriculture, par exemple affirme un leader paysan. Selon un autre participant, au cours de cette période, il y a une institution qui les a aidés à capter une source de 4,5 km à Montrouis. Est-ce que cette forme d’aide a permis à son organisation sociale de se renforcer ? Certainement, dit-il, elle a contribué à améliorer les conditions de travail et de production des paysans. Cependant, on ne peut pas étendre cette prétendue amélioration au renforcement du Mouvement social
  4. Les projets financés ne sont pas suffisamment solides. Les capitalistes profitaient de la situation des victimes. D’autres participants pensent que cette période peut être considérée comme étant une période de continuité, parce le mouvement social ne défend pas les vraies causes de la population. Et même s’il y a des projets réalisés, ils n’étaient pas solides à cause des problèmes de financement. Selon eux, après le séisme, tout le pays était comme placé sous la dépendance, et les capitalistes profitaient de cette occasion pour infiltrer les ONGs afin d’affaiblir le mouvement social. Aussi, d’autres problèmes comme l’inflation, la cherté de la vie et la montée du dollar US ont-ils permis aux acteurs d’abandonner le mouvement social pour former de préférence des partis politiques.
  5. Fonder un parti politique de gauche… se porter candidat. En effet, au cours des dernières élections présidentielles en Haïti, un des leaders du mouvement paysan s’est déclaré candidat à la présidence. Un parti politique à tendance marxiste-léniniste intégré par plusieurs dirigeants des ONG locales (tendance gauche) s’est formé. Selon des participants, le choix de ces dirigeants à se porter candidat ou à former un parti politique ne ^peut que contribuer à affaiblir le mouvement social.
  6. Les ONG n’ont fait que gâter les militants. Impossible de réaliser des séminaires de formation ou des rencontres sans argent : il faut payer les déplacements et avoir des per diem à distribuer à chaque participant. Des participants pensent que ce sont les ONG qui ont institué cette mauvaise habitude. Sur ce point, il faut bien faire la différence entre organisations populaires : « elles ne sont pas la même chose ni par rapport à leurs origines historiques, ni dans un certain nombre de pays, en ce qui concerne leur statut légal… (Arellano et Petras, 1998)
  7. Les OP ne sont pas des ONG. La différence entre Organisations populaires et ONG est double : légale, d’une part et en fonction de l’origine de classes des personnes qui constituent les deux types d’institutions. Les organisations populaires se caractérisent par une affiliation qui permet à leurs membres de revendiquer collectivement leurs intérêts économiques et politiques. La structure organisationnelle qu’exige la loi pour que ces organisations reçoivent une reconnaissance légale, en tant que représentante de leurs membres, est différente de celle prescrite pour la reconnaissance légale des ONG
  8. « Ces ONG ont contribué à l’affaiblissement du mouvement social en Haïti. Avant le séisme, poursuit-il, quand une organisation sociale devait organiser une rencontre, c’étaient les membres qui apportaient leur contribution, c’est-à-dire ils apportaient de quoi préparer à manger, ils se chargeaient eux-mêmes de leurs frais de déplacement. Mais aujourd’hui, dit-il, ce sont les ONG donnent à manger à l’occasion des rencontres. Elles paient même du per diem à la fin de la rencontre. Ce qui a des conséquences négatives pour l’organisation locale qui ne peut pas distribuer des per diem et donner à manger. Ainsi elle ne peut pas réaliser ses rencontres comme avant. Les ONG ont ainsi contribué à faire des haïtiens des passifs, qui attendent qu’un étranger vienne faire tout pour eux. Cette situation s’est empirée tout de suite après le tremblement de terre du 12 janvier »
  9. Transformation des organisations populaires en ONG « le mouvement social haïtien s’est affaibli puisque bon nombre de responsables d’organisations sociales les ont transformées en ONG ». En effet plusieurs des organisations qui posaient des problématiques structurelles liées à l’appauvrissement de la population ont reçu un financement pour réaliser un petit projet délimité dans le temps et l’espace. Même l’organisation paysanne tèt kole ti peyizan est en train de réaliser des projets de développement dans des communes spécifiques.
  10. Quel est le rôle d’AJWS dans le renforcement du mouvement social haïtien? Après le tremblement de terre, les organisations du mouvement social haïtien ont reçu un coup fatal avec la perte de ressources humaines, la destruction des locaux, la perte des biens et du matériel. Par exemple, le mouvement féministe a perdu des dirigeantes parmi ses plus importantes telles que Miryam Merlet, Anne-Marie Coriolan, Magalie Marcelin entre autres. Tandis que des organisations ont enregistré des pertes énormes, de nouveaux acteurs des nouveaux mouvements sociaux ont émergé : les LGBTI.
  11. AJWS fait un travail important… elle devient de jour en jour un acteur important. « L’AJWS fait un travail très important en aidant les prostituées qui constituent un groupe marginalisé et qui est victime de mauvais traitements, de violences sexuelles, physiques, psychologiques et de stigmatisation.
  12. Aider à monter une plateforme pour défendre les ressources naturelles « son rôle prend de plus en plus d’importance de jour en jour. En considérant que nous, les haïtiens, notre sous-sol est riche en mines d’or et en pétrole, et nous sommes au courant des différents projets d’exploitations qui se font. La présence d’AJWS est importante dans le pays parce qu’elle sensibilise la population locale qui arrive à prendre positions par rapport aux firmes multinationales. AJWS prend la position pour défendre et puis aider les gens qui sont minoritaires et qui n’ont pas les moyens surtout. Accompagner ces gens-là c’est déjà une grande bataille qui est lancée
  13. Fragmentation du mouvement social. La majorité des participants parlent de la fragmentation du mouvement social alimentée, selon eux par des organisations multilatérales et des ONG. « Les organisations qui défendent les mêmes causes ne travaillent pas en réseau. Divisées, elles exécutent les mêmes projets, chacun dans sa chapelle. C’est une sorte de balkanisation du mouvement social haïtien. Pis est, cette balkanisation est alimentée par des organismes internationaux, des organisations de coopération multilatérale et bilatérale »
  14. Des organisations internationales créent du désordre. « Ce qui crée le désordre, ce sont les organisations internationale après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. USAID débarque et forme ses propres organisations féministes sur le terrain pour faire un travail de plaidoyer, un travail d’accompagnement des femmes. Les responsables de ce projet au sein de cette organisation cherchent disposent des moyens financiers. Ils recrutent des personnes qui ne savent rien du mouvement féministe, leur donnent du financement pour réaliser une série d’activités qu’elles ne maitrisent même pas. »
  15. Aujourd’hui, les ONG ne font que gérer le statu quo… mais«  Nous devons affirmer fermement qu’elles ne peuvent pas renforcer le mouvement social, si on considère très attentivement le travail qu’elles sont en train de réaliser. Le mouvement social veut le changement social, la transformation sociale, c’est ce que nous voyons dans le monde. Mais en Haïti, jusqu’à présent, les ONG ne font que gérer le statu quo. Alors, si elles entretiennent le statu quo, cela veut dire qu’il n’y a pas de place pour le changement social. Je salue, moi-même, le travail accompli jusque-là par AJWS qui cherche à renforcer le mouvement social. Et, à partir de là, nous pouvons peut-être affirmer que certaines ONG peuvent jouer un rôle dans le mouvement social pour le renforcer.
  16. À ce titre, nous pouvons prendre l’exemple des ONG issues de l’église Catholique. Au cours des années 1970, elles ont réussi à mettre en place des organisations qui ont contribué à l’éducation populaire, nous avons passé trois à quatre générations d’ONG qui ont fait de l’éducation populaire sous la dictature des Duvalier, dans la clandestinité avant de tomber sur des ONG développementistes qui renforcent l’assistanat. Ce n’est pas une tâche difficile, les ONG actuelles auraient le faire. C’est Dans ce sens que j’affirme qu’elles ne travaillent pas à renforcer le mouvement social. Appuyer le mouvement social, c’est travailler pour son autonomie, c’est aider les citoyens et les citoyennes impliquées à acquérir la capacité de se prendre en charge jusqu’à la disparition des ONG. Une ONG ne devrait pas être là pour donner de l’aide pendant une cinquantaine d’années. Cela n’a aucun sens ».
  17. Pour un renforcement du mouvement social haïtien : plusieurs propositions ont été faites dans ce sens. Elles touchent : la reconfiguration des acteurs du mouvement social haïtien, le renforcement des groupes de LGBTI, la capacité de créer le rêve et l’utopie, d’influencer l’État, le travail en réseau, la capacité de sortir du piège du financement
  18. Reconfiguration : Il faut un mouvement social qui embarque les couches les plus vulnérables. Il s’agit, dit-il, des servantes et des « gason lakou » (concierge), les chauffeurs de taxi-moto, les travailleuses et travailleurs des pompes à essence, les employés de banque, les agents de sécurité, les ménagères, ceux et celles qui vident les poubelles dans l’administration publique, les chauffeurs de tap-tap, les organisations de défense des droits des prostituées.
  19. Renforcer les groupes de LGBTI. Il faut aider à ce que ces personnes soient organisées, il en est de même pour les homosexuels, les gais, les lesbiennes et les transsexuels. Si nous arrivons à organiser ces personnes, si nous parvenons à créer un espace où les ouvriers organisés peuvent partager leurs expérience avec ces personnes, si nous réussissons à mettre autour d’une même table des étudiants, des paysans et d’autres catégories de personnes dans le milieu rural, alors nous aurons un mouvement social plus solide, le changement social ne tardera pas
  20. Créer le rêve, créer l’Utopie, arriver à influencer l’État. Le mouvement haïtien doit trouver des moyens d’influencer l’État ou de le transformer. Dans le pays, il y a un problème d’utopie, un problème de rêve. Il n’y a plus de rêve, plus d’utopie, disons qu’il y a une crise d’utopie. Il faut de l’utopie pour penser le changement. Nous sommes obligés de penser des alternatives viables. Le mouvement social que nous avons jusqu’à présent est un mouvement réactif, dénonciateur, résistant, ce n’est pas un mouvement de révolte. Ce n’est pas un mouvement en train de construire une révolte ou un pouvoir populaire. Cette utopie est quelque chose d’extrêmement important que le mouvement social doit prendre en compte
  21. Changer de discours et de pratiques, éliminer le matchisme dans le mouvement social. Le discours doit être renouvelé, même si la situation socio-économique reste inchangée. Les organisations sont trop paternalistes, le culte du moi est trop primé et l’ego des gens trop dominant. Le mouvement social haïtien parait machiste puisque la majorité des organisations sont dirigées par des hommes depuis longtemps déjà. D’où un déficit de démocratie dans la direction de ces organisations. Ceci est un obstacle majeur parce les responsables d’organisations ne veulent pas perdre leur place de chef, comme conséquence ils maintiennent le statuquo et restent dans un individualisme mortel pour le mouvement.
  22. Sortir du piège de financement qui tue les organisations revendicatrices. Dans le financement des organisations, il doit y avoir une part du budget consacré à continuité de l’organisation après la cessation du financement. Souvent, des organisations disparaissent après avoir perdu un financement. Elles doivent comment entrer dans le financement pour ne pas disparaitre après.

 

Merci